Notre société et notre économie exigent une population bien qualifiée et performante. On demande aux actifs de gérer des situations de plus en plus complexes et de s’adapter aux évolutions jusqu’à l’âge de la retraite. Dans ces conditions, il y un intérêt public majeur à ce qu’un grand nombre de jeunes investissent quelques années dans leur formation. Il y a évidement la voie universitaire, mais aussi celle passant par l’apprentissage, la maturité professionnelle puis les hautes écoles spécialisées (HES). La Suisse romande l’a compris depuis quelques années déjà, et la croissance des effectifs des hautes écoles a grandement contribué au dynamisme de notre région.
Les études universitaires ou en HES représentent un investissement coûteux pour l’étudiant-e et sa famille : suivant les circonstances, il faut aligner entre frs. 15’000 et 25’000 par année et ceci pendant trois à cinq ans. Comme en Suisse, le niveau des bourses d’études est très bas, ces coûts sont, pour l’essentiel, assumés par les familles et les étudiant-e-s eux-mêmes. Concrètement, la plupart des étudiant-e-s exercent des petits boulots en marge de leurs études pour parvenir à boucler leur budget. Par comparaison, le titulaire d’une maturité ou d’un CFC qui renonce à poursuivre sa formation et entre dans le marché du travail peut, à 20 ans, gagner un salaire mensuel de frs. 4000.- à 6000.-. Sans enfants, cela permet de mener une vie confortable.
Le secrétaire d’Etat Dell’Ambrogio propose maintenant d’augmenter les taxes d’études pour les porter à frs. 8000.- par an. Il s’agit selon lui d’augmenter les ressources des universités. L’effet de cette mesure – si ce n’est son but caché – sera surtout d’éliminer un certain nombre d’étudiant-e-s pour des motifs financiers. Celles et ceux dont la situation financière est la plus délicate renonceront, parce qu’ils n’arriveront plus à tourner financièrement. Aujourd’hui déjà, sans un fort soutien parental, il est presque impossible d’étudier dans les EPF ou les facultés de médecine, car le programme est trop chargé pour concilier la préparation des cours et une activité lucrative à temps partiel.
Au lieu de sélectionner les étudiant-e-s sur l’intelligence ou les capacités, cette mesure conduit à une sélection sur la base du revenu des parents. Elle renforce la ploutocratie au détriment de la méritocratie. Si les hautes écoles ont besoins de ressources supplémentaires, celles-ci doivent provenir des budgets publics, quitte à renoncer à quelques allègements fiscaux indus. A cela s’ajoute une question d’équité entre parents et non-parents. Même avec un revenu moyen-supérieur, financer des études à ses enfants n’est pas bon marché : les parents qui ont deux enfants aux études y consacrent rapidement 30’000.- par an. Il est contreproductif et injuste d’augmenter ce montant. Mieux vaut que les contribuables aisés sans enfants payent eux un peu plus pour alimenter le système de formation.
Les vrais enjeux sont en réalité ailleurs : il faudrait enfin doter notre pays d’un système de bourses d’études dignes de ce nom et mettre en place une vrai politique de soutien à la formation continue, notamment dans le domaine du rattrapage des compétences de bases. Mais il ne s’agit en aucun cas de jouer les uns contres les autres les différents secteurs de la formation.
Dans le meilleur des cas, la proposition d’augmenter les taxes d’études est une bêtise « hors-sujet » qui disqualifie définitivement son auteur. Dans le pire, il s’agit d’une stratégie élitaire que notre pays doit refuser au nom de la prospérité, de l’accès à la formation et – last but not least- de l’égalité des chances