Adaptation des infrastructures au changement climatique

Intervention à la journée des infrastructures à l’EPFZ, consacrée au thème «  Impact du changement climatique sur les infrastructures.

Avant d’empoigner un problème, il est décisif de bien le poser et de clarifier les rapports de causes à effets. Pour cette raison, je dois commencer par inverser le titre de ce colloque.

En effet, avant de pouvoir discuter de l’impact «Impact du changement climatique sur les infrastructures », il faut évidemment bien comprendre «l’impact des infrastructures  sur le changement climatique. »

Rappelons qu’en Suisse, 80 % des gaz à effet de serre sont le produit de la combustion des énergies fossiles, et que celles-ci sont toutes utilisées dans des infrastructures, ou éventuellement sur celle-ci  Concrètement, on brûle du mazout dans des bâtiments ou des déchets dans usines, et du gaz dans des fours industriels. Et bien entendu, le plus gros morceau de nos émissions, à savoir les carburants terrestres, sont essentiellement émis en roulant sur une infrastructure, à savoir les routes.

Inversement, il faut aussi  considérer qu’il y a des infrastructures qui font partie de la solution et pas du problème, comme par exemple les barrages hydroélectriques ou les installations solaires.

Nous avons aussi besoin de nouvelles infrastructures pour réduire notre impact sur le climat, surtout de la production d’électricité renouvelable. Il faut redéployer production d’électricité de manière à produire l’ordre de 40 à 45 térawatt-heures supplémentaires par an pour pouvoir décarboniser le bâtiment et la mobilité. Et il faut ponctuellement renforcer les infrastructures de transports publics.

Mais surtout, nous allons avoir besoin d’adapter les infrastructures actuelles. Je pense en particulier à l’assainissement énergétique du parc de bâtiments

Enfin, nous avons besoin de nouvelles infrastructures pour nous adapter à la partie inévitable du réchauffement, comme nouvelles installations de protection contre les éboulements dans les Alpes, des dispositifs contre les crues ou encore des dispositifs d’irrigation pour pouvoir continuer à faire de l’agriculture de notre pays.

Last but not least, dans un pays largement urbanisé, l’adaptation de nos infrastructures urbaines pour supporter la chaleur ne doit pas être négligée.

Dans le cadre du plan Marshall pour le climat élaboré par le Parti socialiste, nous avons estimé qu’il fallait consacrer 2 % du produit intérieur brut pour décarboniser notre économie en investissant principalement dans infrastructures, sans compter l’adaptation. Par hasard historique, c’est exactement la même somme que celle que nos grands-parents ont investie dans les années 1960 pour la construction des grands barrages et des lignes à haute tension. Cela représente 12 milliards d’investissements par année, soit nettement plus que la somme des dommages chiffrés par l’étude présentée aujourd’hui un ordre de grandeur 1 milliard par an,

Par contre, l’étude présentée ne tient pas compte d’adaptation dans le domaine de l’agriculture ou des villes par exemple, ce qui fait que le chiffre effectif du coût de l’adaptation est bien plus haut.

Les sommes en jeu sont donc considérables.

Inversement, l’étude tient pas vraiment compte des synergies entre la transition énergétique et la diminution des dommages aux infrastructures. Permettez-moi de donner quelques exemples :

  • Si notre pays mise à fond sur le photovoltaïque pour remplacer les énergies fossiles et nucléaire, la diminution de l’eau dans les rivières en été, qui affaiblit la production nucléaire et hydraulique, n’est pas vraiment dramatique. Pour la production électrique, cela compense amplement le problème du stress hydrique.
  • Autre exemple de synergies : on pourrait imaginer d’augmenter le volume de certaine retenues hydroélectriques pour mieux absorber les événements exceptionnels.
  • Enfin, l’assainissement thermique des bâtiments ne sert pas qu’à réduire les besoins de chauffage en hivers. Il limite la surchauffe en été, ce qui permettra de s’abriter des canicules.
  • Il y a enfin des adaptations de pratiques agricoles qui peuvent avoir des synergies avec la protection de la biodiversité.

J’en conclus qu’en réalité, la question de l’Impact du changement climatique sur les infrastructures doit être traitée conjointement avec celle de l’adaptation de nos infrastructures pour réduire leur impact sur le climat.

Cette approche fondée sur les synergies permet de dessiner concrètement 3 priorités

  • Cesser d’étendre les infrastructures routières, et se focaliser sur leur entretien et leur protection.
  • Moderniser le parc de production électrique en déployant les nouvelles énergies renouvelables et en modernisant le parc hydro-électrique en direction de la sécurité : stockage, puissance et protection contre les évènements extrêmes.
  • Moderniser le tissu bâti, ce qui inclut les bâtiments, l’aménagement urbain, les équipements et les services, de façon à réduire les émissions fossiles et à s’adapter au réchauffement

Et comme tout cela coûtera cher et durera longtemps, on ne pourra pas partout assurer 100% de fiabilité et de disponibilité des infrastructures. Il faudra ici mettre des priorités. Ainsi, l’interruption pendant trois jours d’une route secondaire est un dommage supportable, mais pas l’effondrement d’un pont ferroviaire sur un axe majeur.