Référendum sur la stratégie énergétique: quels sont les vrais objectifs de l’UDC?

Au plan démocratique, l’UDC avait parfaitement le droit de déclencher une votation contre la Stratégie énergétique 2050, projet de première importance. Toutefois, le référendum servant à bloquer une loi, il est intéressant de s’interroger sur les motivations profondes de cette opposition. Au vu de la campagne, plusieurs hypothèses sont plausibles, qui ne s’excluent d’ailleurs pas entre elles.

Première hypothèse: l’UDC soutient les énergies fossiles. Par conséquent, elle combat l’électricité renouvelable et les gains d’efficacité sur les produits pétroliers, en particulier dans le bâtiment. Le fait que son président, M. Rösti, soit également à la tête de Swissoil, l’association des vendeurs de mazout, aurait-il pu encourager cette orientation? Mais l’UDC veut-elle vraiment enrichir M. Poutine et les maîtres de l’Arabie saoudite? Augmenter la dépendance énergétique de la Suisse à l’égard de l’étranger constituerait une attitude très paradoxale venant de l’UDC, même si les partis nationalistes nous ont habitués aux pires contradictions.

Deuxième hypothèse: le moteur du référendum est plutôt M. Blocher, qui rêve de construire de nouvelles centrales nucléaires. Récemment, le stratège de l’UDC a réclamé des subventions pour cette industrie. Dans les débats, il prétend qu’il y aura bientôt une technologie nucléaire propre, exempte de risques et qui ne produirait pas de déchets, ce qui relève de l’alchimie plutôt que de la physique. En Suisse romande, les représentants de l’UDC n’assument pas cette position, mais ne la contestent pas non plus. En fait, le désir d’un «revival nucléaire» semble tout à fait possible.

Si ces deux hypothèses sont fausses, le référendum n’est pas lié à l’approvisionnement énergétique du pays. S’agirait-il alors d’une simple opération de marketing, qui ne chercherait pas vraiment la victoire? Cette option paraît peu probable, vu l’ampleur des moyens financiers engagés par Mme Martullo-Blocher.

Par contre, l’UDC pourrait chercher à renforcer sa domination politique. Constatant que ses initiatives excessives commencent à lasser, elle utiliserait le référendum sur de grands enjeux pour conquérir une sorte de droit de veto national. Vu les moyens qu’elle a engagés, une telle hypothèse ne saurait être écartée.

Reste enfin une dernière possibilité, compatible avec la précédente: l’UDC mène une vaste expérience sur l’acceptation des fake news. Avec son tous-ménages caricatural sur l’interdiction des bananes et les douches froides, elle teste le seuil de tolérance aux «faits alternatifs». Sous cet angle, un oui net à la Stratégie énergétique ne consoliderait pas seulement l’approvisionnement énergétique de la Suisse, mais sanctionnerait la stratégie du mensonge et servirait ainsi la démocratie.

(paru dans 24h)