Surveillance et défense de l’espace aérien: cibler correctement le risque et choisir les bons outils  

Pour  résoudre un problème ou pour faire face à un risque,  il convient avant tout de l’analyser correctement. En l’occurrence, il y a deux champs de besoins: la police de l’air et la défense aérienne.

En ce qui concerne la police de l’air, dans 90 pour cent des cas, ce sont des aéronefs relativement lents qu’il s’agit d’intercepter, par exemple parce qu’ils se sont égarés. Dans 10 pour cent des cas, ce sont des avions rapides de type avions de ligne.

En ce qui concerne la défense aérienne, quelles sont les menaces?

  • La première est celle due à des drones ou des aeronefs assimilables à des drones, comme des hélicoptères. Ils peuvent émaner d’Etats ou d’organisations terroristes.
  • La deuxième menace est imputable aux missiles de croisière. Ici aussi, c’est en principe le fait d’Etats, mais des organisations terroristes peuvent en disposer, aujourd’hui déjà.
  • Le troisième risque, ce sont les missiles balistiques, lancés en principe par des Etats, mais on ne peut, là non plus, tout à fait exclure que des organisations terroristes disposent prochainement de telles armes.
  • Le quatrième risque, c’est celui d’une attaque au moyen d’avions de combat.

La réalisation des  trois premiers risques – les drones, les missiles de croisière et les missiles balistiques – est peu probable, mais pas impossible. Par contre, une attaque au moyen d’avions de combat est totalement improbable puisqu’il faudrait d’abord que l’assaillant traverse l’espace aérien de l’OTAN, une chose qui est très peu vraisemblable.

Pour se prémunir de tous ces risques, il faut commencer  par voir et comprendre ce qu’il se passe, ce qui revient à disposer d’un bon système de radar, ou plus précisément de plusieurs systèmes radars intégrés permettant d’analyser la situation. Cela vaut tant pour assurer les tâches de police de l’air, parce qu’il faut savoir si un aéronef entre dans notre espace aérien et, donc, si une menace arrive. Le même raisonnement vaut aussi se prémunir contre une attaque militaire. Le point le plus délicat est l’intégration des informations et dans leur interprétation correcte en temps réel. Si on est aveugle ou trop lent à la perception, les meilleurs moyens de défense ne serviront à rien.

Dès lors que nous disposons de cette image complète de la situation dans l’espace aérien et dans son voisinage, il se pose la question des moyens pour contrer la menace.

Pour combattre des drones, les fusées sol-air  – comme des Stingers que nous possédons déjà –  représentent seule possibilité pratique.  Contre des menaces, les avions ne servent à rien, car ils volent trop rapidement. S’agissant des missiles balistiques  et des missiles de croisière, ils ne peuvent être efficacement combattus que par des dispositifs intégrés sol-air high-tech, tels que les fameux « patriots ». Contre les missiles de croisière ou des missiles balistiques, l’avion combat est totalement inopérant.

Contre la quatrième menace, à savoir une attaque par avions de combat, disposer de nos propres avions peut effectivement être utile, à condition d’en avoir beaucoup et de disposer de nombreux aérodromes militaires. Ce dernier point très important, car il est très facile pour un attaquant de bombarder les pistes de décollage, ce qui met les avions hors service. Cependant, un système de défense contre les missiles balistiques et missiles de croisière peuvent aussi couvrir le risque d’une attaque d’avions de combat. Cette approche présente avantage de ne nécessiter qu’un seul outil, des missiles sol-air high-tech. En outre, s’il s’agit d’une attaque intensive, c’est une défense plus fiable qu’une petite flotte d’avions de combat, même ultra-performante. Autrement dit, un bon dispositif de défense sol – air couvre l’entier des besoins militaires.

Pour les tâches de police de l’air, des avions légers suffisent dans 90 % des cas, comme le montre l’expérience autrichienne. Ce n’est que dans 10 % des cas qu’il faut des avions extrêmement rapides du type FA/18.

La stratégie proposée actuellement, à savoir dépenser 6 milliards pour des jets de combat ultraperformants, n’est pas rationnelle : on met le plus de moyens sur un instrument dont le spectre est très étroit, puisqu’il n’est capable de nous protéger que contre la menace la moins probable. Ce choix se fait au détriment  des systèmes d’information, de radar et de défense sol – air, dont la Suisse a bien davantage besoin.

Nous proposons d’acheter des avions beaucoup plus légers, comme les Aeromacchi 346 italiens, capables de voler à 1’100 KM/h , comme pour la somme de 1 milliard. Ces avions sont destinés à assurer les tâches quotidiennes de surveillance de l’espace aérien et celle de formation. Cela permet de limiter les heures de vol des FA/18 et de prolonger ainsi substantiellement leur disponibilité. En termes de frais d’exploitation, cela revient beaucoup moins cher. En outre, on évite de devoir ultérieurement acheter un avion formation pour gérer le passage délicat entre un avion à hélice et un FA/18. Enfin, leur consommation de carburant par heure de vol est 4 fois moindre, ce qui est un avantage économique et écologique.

Il est regrettable que le département de la défense ait d’emblée écarté cette option plus rationnelle. Pour ces raisons, le 27 septembre, je voterai contre le projet d’acquisition de jets de combat ultra performants à 6 milliards, d’autant que ce prix c’inclut ni les rééquipement, ni l’exploitation.

 

Lien vers les documents, et en particulier l’étude “Air2030plus” ACAMAR : https://www.sp-ps.ch/fr/dossiers/paix-et-securite/protection-de-lespace-aerien-suisse