Votation sur la fiscalité des entreprises

La légende du soutien aux PME et le mythe du départ des grandes entreprises

Selon les défenseurs de la réforme fiscale, les petites et moyennes entreprises PME profiteraient du projet. Vu le coût de la réforme, d’au moins 3 milliards, une petite vérification s’imposait. Nous l’avons faite.

La plupart des PME ne font presque pas de bénéfice imposable

Plus de la moitié des entreprises (52%) ne font aucun bénéfice, et ne payent donc pas d’impôts sur le bénéfice. En baissant l’imposition du bénéfice, la RIE 3 ne les aide en rien. La réforme aide-t-elle alors les 29% des entreprises font moins de Fr 50’000 de bénéfice net ? Non, car les astuces de la RIE III ne leur apporteront que des clopinettes, vu que cette deuxième catégorie ne paye en moyenne que fr 1141.- d’impôt fédéral direct*.

La conclusion s’impose d’elle-même : les 3 milliards d’allègement de la RIE III ne bénéficieront qu’aux grands entreprises, et plus précisément au 3% des entreprises qui font plus d’un million de bénéfice net. Il s’agit souvent de holdings, qui bénéficient d’ailleurs de la déduction pour participation, leur assurant un taux très abaissé (maintenue par la RIE III). En moyenne, cette catégorie affiche un bénéfice net de 28 millions. Avec de pareils montant, il vaut la peine d’engager des avocats-fiscalistes pour utiliser toutes les nouvelles niches de la RIE III.

Ce sont ces grandes et très grandes entreprise qui seront les bénéficiaires de la RIE III. La classe moyenne, dont de nombreux patrons de PME, seront les dindons de la farce. Car la charge fiscale se déplacera immanquablement sur les personnes physiques.

Dans ce monde incertain, où donc délocaliseraient les grandes entreprises ? 

Reste une dernière question : les grandes entreprises partiront elle à l’étranger  si la Suisse n’introduit pas la ribambelle de déduction arbitraires prévus par la RIE III (les « outils » dans le langage des partisans) ?

On peut douter. Premièrement, parmi les pays hautement développés qui offrent un bon cadre aux entreprises, la Suisse a déjà des taux très avantageux, que les cantons sont d’ailleurs en train de baisser. Pour s’en rendre compte, chacun peut aller examiner la liste mondiale de KPMG** ou l’étude commandée par la Confédération au bureau BAK***. Pour être nettement plus bas que les taux typiques suisses, il faut aller en Bosnie ou en Bulgarie. Ou au Bahamas.

Deuxièmement parce que le monde est extrêmement incertain : Brexit, Trump, Putine et guerres aux Moyen-Orient. Dans ces conditions, les entreprises ne vont pas se précipiter pour délocaliser, car elles détestent l’incertitude. A cet égard, le fait que nous ayons sauvé les bilatérales représente un atout considérable en comparaison du Royaume-Uni : la Suisse a accès au marché européen et à la coopération scientifique. Ce n’est donc pas le moment de paniquer face au chantage à la délocalisation.


* Sources des calculs : année 2013.

Ensemble des SA et des Sàrl, année fiscale 2013. Nb d’entreprise NB en % Taux moyen IFD (après déduction pour participation) IDF payé en moyenne en francs
Entreprises sans bénéfice 177 752 51.8%  
Entreprises entre fr 1 et 49’900 de bénéfice net 99 175 28.9% 8.3%          1 141
Entreprises entre fr. 50k et 1 million de bénéfice net 55 947 16.3% 7.6%         17126
Entreprises avec plus de 1 million de bénéfice (28 millions de bénéfice net en moyenne). 10 139 3.0% 2.8%       764 969
Total des entreprises 343 013  100.0%    
Moyenne du taux pour cellesqui ont un bénéfice 165 261    3.0%        53 414 

 

***  https://home.kpmg.com/xx/en/home/services
/tax/tax-tools-and-resources/tax-rates-online/
corporate-tax-rates-table.html

*** http://bakbasel.ch/fileadmin/documents/
reports/BAKBASEL_Executive_Summary_BAK_
Taxation_Index_2015.pdf