Suisse Union-Européenne, la glaciation n’est pas une solution

Roger Nordmann, Président du Groupe PS des Chambres fédérales (1.11.2021. dans Fil Rouge, le journal du PS VD)

En proclamant l’échec de la négociation sur l’accord-cadre entre la Suisse et l’Union européenne, Messieurs Parmelin et  Cassis espéraient enterrer durablement une question douloureuse.  Hélas pour eux, leur manœuvre est aussi transparente que naïve.

Transparente, car ils n’ont pas pris la peine de chercher une solution. Or celle-ci était possible : la Suisse acceptait la « Directive sur la Citoyenneté l’Union », qui aurait garanti une meilleure protection sociale des Européens travaillant en Suisse. En contrepartie, l’Union européenne aurait toléré une interprétation ambitieuse de la protection des salaires. Nous avions des signaux clairs que ce compromis était envisageable pour les Européens, mais la majorité bourgeoise du Conseil fédéral n’a pas supporté l’idée d’une amélioration sociale sur les deux plans.

Naïve, parce que la Suisse est au cœur de l’Europe, dont elle ne pourra jamais s’extraire. Il est donc vital de s’occuper de nos relations avec l’UE, faute de quoi notre avenir nous échappe. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. Les blocages se multiplient dans le domaine de la recherche scientifique, des échanges d’étudiants, des reconnaissances de produits médicaux, de la reconnaissance boursière, de la gestion du réseau à haute tension, etc.

Alors que la construction européenne est une immense chance pour la paix et la prospérité des peuples européens, le Conseil fédéral a enfermé la Suisse dans une logique d’échec, au point d’espérer secrètement l’échec de l’intégration européenne elle-même. Le gouvernement à majorité PLR et UDC n’arrive même plus à assumer le service minimum, qui consistait à profiter de l’UE sans la défendre.

Sortir de cette impasse ne sera pas simple, car le gouvernement vient de dynamiter la voie bilatérale. Il est désormais clair qu’il n’y aura plus de développements importants d’accords sectoriels. C’est d’autant plus grave que l’UE s’est fortement développée, notamment dans la politique climatique, la politique étrangère, la politique fiscale et monétaire ou encore la politique sanitaire. Autrement dit, la glaciation que nous impose le Conseil fédéral impacte des secteurs toujours plus vastes.

La Suisse ayant rejeté la voie du sur-mesure, il ne reste en principe plus que deux options : l’Espace Economique Européen et l’adhésion à l’UE. Au plan de la démocratie, la pleine participation à l’Union est bien meilleure : si toutes les décisions de l’Europe nous concernent, autant siéger dans les instances qui les prennent. L’adhésion permettrait à la Suisse de défendre enfin dignement ses intérêts. Toutefois, le discours profondément antieuropéen de la droite suisse rend très difficile une victoire en votation. C’est pourquoi, l’hypothèse de rejoindre l’EEE reste intéressante. Et ceci d’autant plus que les deux chemins ne s’excluent pas, une intégration réussie dans l’EEE pouvant être un pas sur le chemin d’une future adhésion.

En tout cas, une chose est sûre : aucune issue n’est possible sans une profonde révision du discours nationaliste antieuropéen prédominant au sein des élites économiques suisses.