La politique suisse a horreur des orientations claires. Quand de grands changements la bousculent, c’est souvent sous la pression extérieure. Les élections n’ont-elles dès lors aucune influence sur son destin? Si. Plus que jamais.
Dans un récent numéro, 24 heures a bien mis en évidences ces enjeux qui réclament sans tarder des décisions. Au plan intérieur, trois dossiers montrent de manière frappante qu’un non-choix n’est plus le garant du statu quo. Le premier est celui de l’âge de la retraite: à 65 ans avec un financement additionnel ou à 67 ans après rabotage des prestations? L’énergie constitue le second: la Suisse choisira-t-elle le tout renouvelable pour son électricité ou importera-t-elle du courant charbonnier? Troisième dossier, la place financière est à la croisée des chemins entre la refondation dynamique d’une place financière moderne et propre ou le barbotage dans un marais dont l’assèchement se poursuivra inexorablement.
Au plan extérieur, les relations entre la Suisse et l’Europe ont été sabotées par l’acceptation de l’initiative UDC «contre l’immigration de masse». Cette votation a introduit de la dynamite dans l’un des piliers du bilatéralisme. L’heure du choix entre l’application de l’article constitutionnel approuvé et le maintien des accords existants se rapproche à grande vitesse.
Tous ces domaines ont un point commun: la marge de manœuvre de la Suisse s’est réduite drastiquement. Que ce soit du fait des mutations démographiques ou du vieillissement inéluctable des réacteurs nucléaires existants; ou encore en raison du resserrement mondial de la lutte contre l’évasion fiscale. Les accords bilatéraux représentaient aussi l’un de ces non-choix que notre pays adore: ni dedans, ni dehors. Situation qui aurait peut-être perduré sans le coup de bélier de l’UDC.
Pour maintenir notre prospérité, les élus devront impérativement prendre la tête des opérations et accélérer les démarches en cours. Les autorités fédérales ont engagé la consolidation de l’AVS et l’élaboration d’une stratégie énergétique. Ces deux dossiers présentent des similitudes: même coalition politique à la manœuvre; même forces en opposition; et issue encore incertaine.
La rénovation de la place financière est moins assumée, car les pressions internationales offrent un paravent qui permet à certains d’abandonner le dossier aux circonstances, tout en regrettant le temps passé. Si confortable qu’il soit, cet attentisme gémissant ne suffira pas à sauver les accords bilatéraux. Pour cet enjeu central, le plus difficile de la législature, seuls une action déterminée et un discours clair permettront de bien poser le débat au terme duquel le peuple tranchera.
Durant la prochaine législature, la Suisse franchira un certain nombre d’aiguillages décisifs. Aux électeurs de dire s’ils veulent qu’elle choisisse la voie de la modernité ou celle, sans issue, de la régression dans un passé mythifié.