(publié dans Le Temps le 19.5.2023)
Fait remarquable dans notre époque dominée par la complexité, le parlement a rédigé un texte simple! Contrairement à la construction baroque sur le CO2 rejetée par le peuple en 2021, la nouvelle loi sur le climat et l’innovation (LCI) se concentre sur l’essentiel et ne comporte que trois éléments. Premièrement, atteindre la neutralité climatique en 2050. Deuxièmement, soutenir le remplacement des chauffages fossiles et électriques directs à raison de 200 millions de francs par an. Troisièmement, aider l’industrie à s’affranchir du gaz fossile en investissant dans de nouvelles technologies, avec également un montant de 200 millions par an.
Certes, ce projet ne résout pas tous les problèmes en matière d’énergie et de climat. Mais c’est précisément sa force: rebondir après l’échec de 2021 en ciblant l’essentiel. Estimant qu’il faut apprendre de ses erreurs, le parlement a tenu compte des critiques adressées à la loi sur le CO2. Plutôt que d’adopter un vaste catalogue de mesures et de taxes sans que leur but soit clarifié, il a choisi la démarche inverse, à savoir commencer par fixer un cap.
Cette approche s’imposait d’autant plus que le texte soumis au vote le 18 juin constitue le contre-projet à l’initiative sur les glaciers, qui propose d’ancrer la neutralité climatique dans la Constitution. La loi sur le climat reprend cet objectif, mais de manière nettement plus souple. En particulier, elle admet que des quantités d’émissions résiduelles puissent être «compensées» par des émissions négatives. Sachant que le chemin vers la neutralité climatique est ardu, les initiants ont choisi de se rallier à cette vision pragmatique plutôt que de se braquer sur des détails. Il importe donc de saluer leur esprit constructif.
Volontairement simple, la loi est aussi efficace. Le parlement n’a pas fabriqué une coque vide, mais a donné une impulsion forte dans les deux domaines clés où la transition énergétique reste lente. Il s’agit tout d’abord du secteur du bâtiment. La loi propose de soutenir le remplacement des chauffages à gaz et à mazout, ainsi que ceux fonctionnant directement à l’électricité. Elle s’inspire ainsi du modèle bernois. De manière volontariste, le canton de Berne a choisi d’octroyer une prime de base de 10 000 francs pour le remplacement des chauffages. Durant une période donnée, l’ancien montant a été presque doublé. Et le succès a été immédiat.
Dans l’application de la loi, le conseiller fédéral Rösti propose à juste titre de faire un effort particulier pour encourager le remplacement des chauffages électriques directs. En effet, ceux-ci consomment beaucoup d’électricité en plein hiver, précisément lorsque l’approvisionnement est problématique. Remplacer un chauffage électrique direct par une pompe à chaleur permet de chauffer en plus trois autres bâtiments comparables, avec la même quantité d’énergie. Cette stratégie s’avère donc particulièrement efficace.
L’autre impulsion prévue par la loi permet d’aider l’industrie à s’engager davantage dans la décarbonation. Dans ce secteur qui consomme actuellement environ 17 térawattheures d’énergie fossile, les progrès sont difficiles. Si les solutions techniques existent, la pression concurrentielle est telle qu’il n’est pas évident pour les entreprises de financer la transformation de leurs équipements. Afin de maintenir une activité industrielle solide en Suisse, il est donc pertinent de soutenir leurs efforts.
Certains regretteront que le parlement ait renoncé à augmenter les taxes sur les énergies fossiles. En réalité, cette décision était sage. Vu le renchérissement du prix des énergies qui s’est opéré depuis lors, une telle augmentation aurait été sanctionnée dans les urnes. Au final, le mérite de cette loi est de coupler une vision claire et des aides concrètes. Elle permet de quitter les taxes punitives et les normes kafkaïennes, pour entrer enfin dans la réalisation simple et opérationnelle de la transition énergétique.