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Le plan Marshall pour le Climat poursuit un objectif fondamental : réaliser d’ici 2050 la part de la Suisse dans l’effort mondial de réduction à zéro des émissions nettes de gaz à effet de serre en 2050. Pour le volet interne à la Suisse, il s’agit de susciter des investissements massifs dans l’accroissement de l’efficacité énergétique et dans la récolte d’énergie renouvelable, en mobilisant des fonds privés et publics. Et atteindre ainsi zéro émission nette en 2050.
Documents: La Strategie et les 40_mesures – le communiquée de presse – L’étude socio-économique sur l’impact (en allemand) Auf Deutsch: die Strategie und die 40_Massnahmen, die Medienmitteilung
Il conviendra d’utiliser aussi les leviers dont la Suisse dispose au niveau international, à savoir la régulation de sa place financière et la coopération multilatérale. Notre plan se fonde sur un document stratégique et propose 40 mesures concrètes. Il représente aussi la concrétisation des décisions de notre Assemblée des délégué-e-s de juin 2018, dont vous trouverez en annexe les documents.
Fondamentalement, les structures physiques de notre société doivent être transformées pour nous affranchir de notre énorme consommation d’énergie fossile, responsable de 80 % des émissions de GES en Suisse. Sur le territoire suisse, il s’agit de brûler la dernière goute de pétrole vers 2045. Actuellement, la vitesse de réduction approche les 2 % dans le secteur des combustibles, alors que l’on stagne dans le domaine des carburants (et même que l’on observe une croissance dans l’aviation).
Investir pour décarboner
Le rythme « naturel » des investissements ne suffit pas. Il faut adopter des standards techniques ambitieux, renforcer les incitations et démultiplier les efforts d’information. De surcroît, vu l’urgence et l’inertie de nos infrastructures, des aides publiques fédérales sont incontournables.
Actuellement, les aides publiques fédérales pour les trois secteurs cruciaux que sont le bâtiment, la modernisation de l’hydro et le photovoltaïque sont de l’ordre de 500 millions par an. Elles déclenchent des investissements que l’on peut estimer à environ 3 milliards. Or il faudrait au moins quadrupler le taux de rénovation dans le bâtiment, pousser l’électrification de la mobilité et sextupler le rythme d’installation du photovoltaïque. La Suisse doit non seulement compenser le déclin du nucléaire, mais aussi couvrir les besoins en électricité liés à la décarbonisation.
Il convient donc de passer le niveau d’investissement de 3 à 12 milliards par an.
Sur la base de notre plan de 40 mesures, nous estimons que les aides fédérales doivent s’établir aux alentours de 3 milliards. Cela permettra, avec les autres types de mesures, d’arriver aux 12 milliards. Le graphique ci-dessous montre la répartition de l’effort entre les différents secteurs.
Pour vous montrer que les montants que nous articulons n’ont rien de déraisonnable, je vous propose de les mettre en perspective de 3 manières :
- La Suisse a consacré environ 1 milliard d’argent public par an à la construction des NLFA pour protéger les Vallées alpines (sans effet de levier). Face à la catastrophe climatique mondiale qui se dessine, il est raisonnable de consacrer 3 milliards d’argent public à des aides publiques produisant un effet de levier important.
- 12 milliards par ans d’investissements par ans représente 2 % de notre PIB. Or, 2 % du PIB, c’est exactement ce que nos grands-parents ont consacré dans les années 1960 à la construction des grands barrages et les lignes à haute tension.
- Enfin, le coût brut hors taxe des importations fossiles est actuellement d’environ 10 milliards par an (sujettes à de forte variations annuelles), et il s’agit de les ramener quasiment à zéro.
Notre plan Marshall pour le climat fixe les bons ordres de grandeurs face à la gravité à a l’ampleur du défi. Le laisser-faire, les mesures volontaires et le bricolage à la petite semaine ne suffisent pa
Investir ici plutôt que « compenser à l’étranger »
Notre stratégie d’investissement dans la modernisation en Suisse implique logiquement l’abandon du concept absurde consistant « à compenser à l’étranger » pour éviter de réduire les émissions en Suisse. Rappelons que ce concept avait été imposé par le lobby des importateurs de pétrole et de voitures dans la première loi sur le CO2, et qu’il n’a jamais complètement pu être éradiqué. Leur objectif était de maintenir un niveau maximum d’importations d’énergie fossile, lucrative pour eux-mêmes, mais contraire à l’intérêt général.
Dans le projet du Conseil fédéral de 2017, cette idée de « compensation à l’étranger » a même repris du poil de la bête, puisque le Conseil fédéral a proposé de ralentir la cadence dans les efforts de diminution des émissions en Suisse. Ce dispositif néfaste relève au mieux du trafic d’indulgences, au pire de l’escroquerie. En effet, dès lors qu’il faut atteindre zéro émission nette, ce concept de compensation implique que d’autres pays, plus pauvres que nous, réduisent massivement leurs émissions et capturent du CO2 pour parvenir à un solde négatif. C’est aussi irréaliste qu’hypocrite.
Notre concept se situe aux antipodes : nous voulons investir pour réduire notre gloutonnerie d’énergie fossile en Suisse. C’est une stratégie à double bénéfice : réduction des gaz à effets de serre et de la facture des importations fossiles.
S’agissant du financement de l’effort d’investissement, Beat Jans vous présentera notre stratégie pour garantir l’équité.
Financer la transition plutôt que les énergies fossiles
Dans le rayon d’influence de la place financière suisse, il s’agit d’assécher le financement des énergies fossiles. Rappelons que sur la base des données de la Confédération, on estime que les émissions provoquées par la place financière et les avoirs suisses s’élèvent à 20 fois les émissions physiques sur le territoire suisse. C’est la responsabilité de la Suisse de régler ce problème, de préférence avant d’y être forcée, comme ce fut le cas pour le blanchiment et l’évasion fiscale.
Parallèlement, nous proposons la création d’une banque d’investissement pour le climat, qu’Eric Nussbaumer va vous présenter.
Solidarité, Engagement et coopération internationale
Enfin, nous préconisons que la Suisse adopte une attitude de pointe pour la coopération internationale, en assurant un rôle de leadership que permet la crédibilité notre pays.
La coopération globale est d’autant plus importante, que l’on estime que 2/3 des émissions imputables au mode de vie de la Suisse ont lieu à l’étranger (fabrication des biens importés). Pour progresser dans ce domaine, il faut utiliser à fond les seuls moyens dont nous disposons, à savoir :
- L’engagement diplomatique pour obtenir des accords internationaux qui conduisent in fine les pays manufacturiers à réduire leurs propres émissions ;
- Le financement de nos engagements internationaux. Pour mettre en œuvre l’Accord de Paris, il s’agit de mettre à disposition près de 600 millions de francs par an pour les efforts internationaux de réduction et d’adaptation.
Pas de dogmatisme dans les instruments
Comme vous le constaterez en parcourant nos 40 mesures, le mix d’instrument que nous proposons est très varié, sans aucun dogmatisme. Il combine notamment
- Des taxes d’incitation dont le produit est redistribué à la population, ce qui s’avère très social : mesures B1 sur les combustibles ou C1 dans l’aviation ;
- Des prescriptions techniques (p. ex. A1 et A7 sur les voitures ou C4/C5 dans le bâtiment, ou J1 à J3 dans la finance) ;
- Des prestations (p. ex. mesures B3 concernant les liaisons ferroviaires internationales) ;
- Des impulsions pour l’investissement, dans quasiment tous les domaines (en particulier A2, A4, C2, D1, F1, F2) ;
- Une offensive d’information (p. B6 pour un avertissement CO2 sur les publicités pour l’aviation, ou C6 ou C7 dans le bâtiment ;
- Un renforcement des efforts diplomatiques (B5 pour lancer une renégociation de la convention de Chicago, qui empêche de taxer l’aviation, ou tout le volet de la coopération internationale I1 à I3) ;
- La Banque pour le Climat (G1, dont Eric Nussbaumer vous parlera) ;
- Des mesures sociales (C3, pour la protection des locataires en cas d’investissement).
Nous estimons en effet que l’heure est trop grave pour se perdre dans des batailles dogmatiques sur les mérites théoriques des différents types d’instruments. Nous avons besoin d’un mixte et notre approche n’est pas punitive. Elle vise au contraire à déclencher les transformations nécessaires qui permettront à chacune et chacun de vivre mieux, libérés des énergies fossiles.
La seule chose qui nous manque, ce sont des majorités progressistes aux chambres pour mettre en œuvre ce plan.
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