Nous aurons l’occasion de discuter pendant 2 jours des mesures contenues dans de révision totale de la loi sur le CO2.
Pour commencer, il convient cependant de rappeler la nature de l’enjeu climatique. Il s’agit d’un des problèmes les plus graves auquel l’humanité est confrontée. Au plan écologique, c’est probablement même le plus grave, ensemble avec la chute de la biodiversité et la destruction des sols. Au demeurant, formuler ce constat ne signifie pas, aux yeux de la commission, qu’il faille négliger les autres problèmes environnementaux.
Si le réchauffement climatique se poursuit selon la tendance actuelle, les conséquence sur les écosystèmes, et par voie de conséquences sur les conditions d’existence des êtres humains, seront massives.
A l’horizon 2100, c’est-à-dire environ à l’espérance de vie d’un bébé né cette année en Suisse, la température moyenne à la surface du globe pourrait monter de 4 °, et le niveau de la mer de 1 mètre en comparaison d’aujoud’hui. ces chiffres ne donnent qu’un point de situation en 2100 et le phénomène se poursuivrait après. Pour mieux se représente ce que ce changement signifie, la température moyenne de Kandersteg (actuellement 6°) pourrait quasiment augmenter d’ici 2100 au niveau de celle qui prévaut actuellement à Lugano (11°).
Ces estimations conservatrices sont celles sur rapport du GIEC de 2014, mais beaucoup d’indices montrent que la situation pourrait se dégrader plus vite,
Dans des zones déjà très chaudes ou trop sèches, et dans les régions de deltas au niveau de la mer, cette évolution sera dramatique. Des centaines de millions de personnes ne pourront plus habiter là où elles vivent actuellement. Chez nous aussi, les transformations rapides du climat modifieront en profondeur le pays, si l’on pense par exemple à l’agriculture, au tourisme alpin, à la foret, à la canicule en ville, etc, etc.
Au yeux de la majorité de la commission, il ne fait aucun doute qu’il faut agir. Une minorité refuse cependant d’entrer en matière, estimant suivant les points de vue que le réchauffement n’existe pas, que les activités humaines n’en sont pas à l’origine, que l’on ne peut rien faire, qu’il faut simplement s’adapter ou que la Suisse est trop petite pour agir.
Aux yeux de la majorité, ces objections reflètent cependant les deux principale difficulté qu’il y a prendre des décisions pour lutter contre le réchauffement climatique..
Première difficulté, le réchauffement climatique est déterminé par le total des émissions de gaz à effet de serre, indépendamment du lieu d’émission, car ces gaz se répartissent automatiquement de manière homogène autour du globe. L’effet de réchauffement est le fruit de l’addition d’émission nationales, qui sont elles-mêmes l’agrégation d’émissions des différents secteurs, lesquelles sont en fin de compte composée les émissions d’entreprises et de personnes.
Cela signifie que chacun a intérêt que les autres fassent un effort, mais peut être tenté de s’en exempter lui-même. Cela vaut évidement pour les pays, mais aussi pour les personnes, les entreprises, et les secteurs. D’où le besoin d’engagements mutuels au plan international, selon l’accord de Paris que vous avez ratifié, et d’une approche incluant tous les secteurs au sein de chaque pays.
La deuxième difficulté, c’est le décalage de plusieurs décennies entre les émissions et la perception de ses effets. Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut anticiper et agir avant que le problème ne devienne insupportable. Cette difficulté est accrue par l’existence d’accélérateurs naturels : le réchauffement au temps T accéléré le réchauffement au temps T+1. Deux exemples pour illustrer le problème :
la diminution des surfaces de glace et de neige, qui sont remplacée par des surface de couleurs sombres, et qui augmente l’absorption du rayonnement solaire.
ou
la fonte du permafrost due au réchauffement libère du méthane, qui renforce le réchauffement.
Pour traiter un problème, il faut naturellement en connaitre la principale cause.
Au niveau mondial, 2/3 des émissions de gaz à effet de serre sont à la combustion des énergies fossiles, en particulier pour le chauffage, l’industrie, la production d’électricité et les transports. Le reste des émissions s’expliquent notamment par la destruction des sol et des forêts, par les procédés agricoles, ainsi que par les émissions géogènes de CO2 lors de la fabrication du ciment.
Pour réduire ces émissions, il convient de moderniser en profondeur les technologies utilisées dans le système économique. La tâches est immense, mais les perspectives sont aussi très positives : nous disposons des techniques pour récolter en masse de l’électricité et de la chaleur renouvelable, avec d’importants gains d’efficacité dans l’utilisation.
Les projections du GIEC nous montrent qu’en étant très déterminés, il est probablement encore possible de limiter le réchauffement à 2 degré par rapport à l’ère préindustrielle. Mais c’est maintenant vraiment le dernier moment pour agir.
Le problème étant posé, il apparait que la Suisse doit assumer sa part de l’effort. C’est le sens de la loi dont nous discutons aujourd’hui, qui a pour objectif principal d’agir sur les émissions de GES à partir du territoire Suisse. Il s’agit de la mise en œuvre de l’accord de Paris.
En vertu du principe de territorialité, la loi se focalise sur les émissions en Suisse, et ne traite que marginalement la question des émissions déclenchées à l’étranger par notre style de vie et par les décisions de la place financière suisse. Rappelons cependant que les émissions imputables aux biens importés représentent 1,5 fois les émissions territoriales.
Heureusement, nous ne partons pas de zéro. La Suisse mène depuis 17 ans une politique climatique, et depuis plus longtemps encore, une politique énergétique, laquelle est largement en mains des cantons. L’introduction en 2008 de la taxe CO2 sur les combustibles et celle du programme bâtiment en 2010 ont représenté des pas importants. Elles ont permis de réduire très substantiellement les émissions du secteur des combustibles fossiles (-28% en comparaison 1990, principalement depuis 2008). On en tire une première leçon fondamentale : dans les secteur où la Suisse a pris des mesures efficace, elle a fait des progrès. Cela montre que les leviers existent.
L’inverse est aussi vrai : dans le domaine des carburants terrestres, où les mesures n’exerçaient qu’une pression très faible, la courbe des émissions est quasiment plate. Ce qui permet de tirer une seconde leçon du passé : là où l’on a procrastiné, on a pas fait de progrès. Cela montre que lorsque l’on n’utilise pas les leviers, rien ne se passe.
Après l’échec de cette loi lors de son premier passage au Conseil national en décembre 2018, notre commission a heureusement repris le travail à zéro, en suivant très largement le Conseil des Etats, qui avait entretemps amélioré le projet du Conseil fédéral.
Les mesures contenues dans le projet constituent compromis constructif entre plusieurs vitesses de réduction. Par contre, ce qui n’est pas un compromis, mais au contraire une conviction partagée par la majorité de la commission, c’est qu’il faut des mesures dans tous les secteurs.
Actuellement, les émissions territoriales de la Suisse se répartissent de la manières suivante :
Carburant à l’exclusion l’aviation internationale 29% (=essence et diesel trafic et off-road)
Energie de chauffage habitat, artisanat et services 28%
Aviation internationale 10%
Combustibles de l’industrie (processus et chauffage 9%)
Autre émission de l’industrie (p. émission géogène des cimenteries, solvant ) 8%
Agriculture (hors énergie fossile) 12% (=principalement le méthane émis par les bovidés et le dioxyde d’azote en lien avec les cultures)
Part fossile des déchets 6%
Décharges et diverses 1%.
En incluant ce que nous avons déjà décidé dans le cadre du projet 17.073 (EU-ETS) et avec la politique préexistante de tri et de limitation des déchets à incinérer , ce projet permet de toucher tous les secteurs sauf l’agriculture. Dans ce dernier domaine, fort complexe, les mesures sont renvoyées à la PA22+.
Selon la majorité, il convient de descendre au moins à 70% de 1990 en Suisse. Formellement, la majorité propose de faire en Suisse au minimum les 3/5 de l’engagement de réduction de 50% pris par la Suisse dans le cadre de l’accord de Paris. Cela signifie que selon la majorité, les 2/5 restant de l’effort peuvent être faits par l’achat de réductions l’étranger. Les instrument prévu dans la loi suffisent amplement. Les mesures qui vous sont proposées dans ce projet à l’issue des travaux de commissions permettent en effet d’atteindre en 2030 un niveau correspondant à 63% de 1990 à l’intérieur de la Suisse.
Dans les faits, le mesures proposées permettraient vraisemblablement d’atteindre les objectif de la minorité Vogler sur l’objectif, à l’article 3, à savoir faire en Suisse les 3/4 de la réduction de 50% ce qui signifie descendre à 62,5% de 1990.
L’heure n’est plus à la tergiversation, mais à la prise de responsabilité. Cette loi ne règle certes pas tous les problèmes jusqu’à la fin des temps, mais elle constitue indéniablement un pas dans la bonne direction. Vu l’importance de l’enjeu, différentes forces politiques qui s’étaient affrontées en 2018 ont maintenant cherché à aller conjointement de l’avant. La commission vous recommande d’entrée en matière par 16 contre 8.
Et bien évidement de rejeter la proposition individuelle Imark de renvoi en Commission : La CEATE a déjà procédé à 2 examens de détail de cette loi. Un troisième examen relèverait de la procrastination dans un dossier urgent.
Sachez encore que commission a consacré à ce projet 4 séances entre novembre 2019 et février 2020. En gros, elle a traité le projet jusqu’à l’article 9, et en particulier l’article 3 sur les buts, dans l’ancienne composition, et le reste dans la nouvelle. Elle a pu avancer relativement rapidement, dans la mesures où elle avait déjà étudié le projet en vue de la délibération de 2018 lors du premier passage au Conseil national.