Initiative «pour la sortie programmée du nucléaire»:
La fixation d’un délai est le complément judicieux de la stratégie énergétique 2050
Le 27 novembre, nous votons sur l’initiative constitutionnelle des verts pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire». Par ailleurs, le 30 septembre, le Parlement a définitivement adopté la stratégie énergétique 2050. Si le référendum annoncé aboutit, une seconde votation populaire aura lieu, vraisemblablement le 21 mai 2017. Décryptage des enjeux.
Fondamentalement, la stratégie énergétique 2050 et l’initiative pour la sortie du nucléaire partagent les mêmes objectifs: construire un approvisionnement énergétique fondé sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Mais les deux démarches sont totalement différentes, ce qui les rend complémentaires.
La stratégie énergétique 2050, lancée par le Conseil fédéral, est un véritable plan d’action pour développer l’électricité renouvelable ainsi que réduire les émissions de CO2 des bâtiments et des véhicules. C’est une nouvelle politique énergétique qui va clairement dans la bonne direction et libère les moyens nécessaires. Si elle entre définitivement en vigueur, elle permettra de remplacer grosso modo la moitié de la production nucléaire actuelle. Lorsqu’une partie de ce chemin aura été parcourue, il faudra décider d’une étape ultérieure. Sur le plan du nucléaire, la stratégie énergétique ancre dans la loi l’interdiction de construire des nouvelles centrales nucléaires. Il a fallu plus de 40 ans de lutte pour obtenir une majorité au Conseil fédéral et au Parlement en faveur de cette position. C’est une percée majeure. De mon point de vue, on ne saurait reprocher à la stratégie énergétique de ne pas résoudre l’entier de tous les problèmes jusqu’à la fin des temps. Elle permet de faire une partie importante du chemin dans la bonne direction, et mérite à ce titre d’être fermement soutenue.
La stratégie énergétique 2050 comporte cependant une lacune: elle ne règle pas la date d’arrêt des anciennes centrales nucléaires et omet de renforcer le dispositif de sécurité pour ces machines. De ce fait, la Suisse risque de devenir un véritable EMS pour centrales nucléaires. Le plus vieux réacteur du monde sensé être encore en service se trouve être Beznau 1. Depuis un an et demi, il est cependant «provisoirement» à l’arrêt en raison de graves défauts du métal de la cuve de pression. Si l’on prend également en considération l’arrêt imprévu de Beznau 2 au cours de la deuxième moitié de l’année passée et celui non programmé pour Leibstadt jusqu’en février 2017, on mesure combien ce parc vieillissant constitue un risque non seulement pour la population, mais pour la sécurité de l’approvisionnement énergétique également.
L’initiative populaire «pour la sortie programmé de l’énergie nucléaire», qui a été lancée par les Verts après Fukushima, se place au niveau des grands principes: sortie du nucléaire, énergies renouvelables et efficacité, via un article constitutionnel générique, mais sans mesures concrètes. On ne saurait d’ailleurs lui reprocher ce dernier point, dans la mesure où les détails des lois n’ont pas à figurer dans la Constitution. La véritable plus-value de l’initiative ne se trouve donc pas au niveau des mesures concrètes, mais plutôt dans les dispositions transitoires, qui prévoient une durée d’exploitation maximale de 45 ans pour les centrales nucléaires existantes. De ce fait, l’initiative apporte précisément le complément nécessaire à la stratégie énergétique 2050, à savoir un délai de fermeture des centrales, indispensable pour garantir la sécurité publique.
Le groupe socialiste aux Chambres fédérales a par ailleurs commandé au professeur Riva* un avis de droit très fouillé sur la question d’une éventuelle indemnisation consécutive à l’arrêt des centrales nucléaires. L’expert parvient à la conclusion suivante: si l’on considère que l’arrêt des centrales nucléaires est demandée pour des raisons de sécurité, aucune indemnité n’est due. Si la justice finissait malgré tout par considérer que la mise hors service est imputable à des considérations politiques, une indemnité pourrait être due. Toutefois, il faut que les exploitants puissent prouver qu’ils auraient pu vendre leurs centrales nucléaires ou en retirer un bénéfice sans leur arrêt forcé. Or, il se trouve que ces deux conditions ne sont pas remplies: les centrales nucléaires sont de plus en plus déficitaires, et la tentative du groupe Alpiq de se débarrasser de ses participations nucléaires a fait long feu. Malgré des contacts pris dans toute l’Europe, aucun acheteur n’a pu être trouvé.
Pour toutes ces raisons, le PS soutient à la fois la stratégie énergétique 2050 et l’initiative «pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire» en votation le 27 novembre.
*lien vers l’expertise du Prof. Riva: (en Allemand)