Discours à l’Assemblée des délégués du PSS, Coire, 25.06.2016
Le point de départ, c’était la mise en conformité de la taxation de nos entreprises avec les standards internationaux. Le résultat, c’est un énorme trou dans la caisse de la Confédération, dans celle des cantons, des villes et des communes. C’est aussi le remplacement d’anciennes astuces par de nouvelles astuces, dont plusieurs seront bientôt non conformes.
Ce projet est une hérésie en matière d’égalité de traitement et de justice fiscale. En particulier, on introduit plusieurs déductions de frais fictifs, une nouveauté qui rappelle davantage la science-fiction que le droit fiscal. Au passage, on désharmonise massivement la pratique fiscale.
Le catalogue à la Prévert introduit dans la loi est non seulement coûteux, mais il est tellement arbitraire que le PDC, le PLR et l’UDC on cru devoir mettre une limite aux abattements en disant qu’ils ne doivent pas dépasser 80 pour cent. Mais ce plancher censé limiter les pertes permet surtout d’en mettre en évidence l’importance. Une entreprise qui fait 1 million de francs de bénéfice pourra en inscrire finalement que 200 000 francs sur sa feuille d’impôt. Ce bénéfice raboté sera ensuite imposé à 7 ou 8 pour cent au niveau cantonal et communal, ce qui fait qu’à la fin l’entreprise ne paiera que 15 000 francs d’impôts, soit 1,5 pour cent de son bénéfice réel.
Enfin, pour le calcul de la déduction des intérêts fictifs, le flou de la délimitation entre fonds propres nécessaires et fonds propres superflus ouvrira un bazar à la tête du client, et les premiers bénéficiaires seront les cabinets de conseillers fiscaux, qui y verront un programme conjoncturel.
Ne se bornant pas à jeter aux oubliettes le principe constitutionnel cardinal de l’égalité de traitement, ce projet prépare un véritable massacre dans le service public.
Le message du Conseil fédéral prévoyait des pertes globales pour les collectivités publiques de 2 milliards, ceci en tablant sur un taux effectif moyen d’imposition des entreprises de 16%. (Message fr pg 4652). Les décisions prises dans les délibérations parlementaires ont augmenté le trou à d’une fourchette allant de 450 à 550 millions. La partie mesurable du trou dans les budgets est de 2,5 mrd au minimum.
Et comme les cantons se sont lancés tête baissée dans un round de sous-enchère sur les taux, il est hélas d’ores et déjà clair que l’on aboutira à une imposition moyenne nettement en dessous de 16%. Le trou sera donc encore plus important, d’autant que le chiffrage évoqué ci-dessus ne tient pas compte des nombreux aspects non-mesurables de ce paquet. La qualité du chiffrage est en effet aussi approximative que dans la réforme homonyme numéro 2.
En cas d’acceptation,
- Ce projet provoquera d’énorme coupes dans les services à la population, par exemple dans l’AVS, l’agriculture, la formation ou encore le trafic régional,
- Elle provoquera le renchérissement de nombreuses
- prestation, notamment des billet de transports publics, des taxes d’études, des primes d’assurance maladie, parce que les collectivités publiques ne pourront pas assumer leur part du financement.
- Il faut enfin s’attendre à ce que les communes et les cantons cherchent à augmenter la charge fiscale et parafiscale sur les personnes physiques. Car il n’y a pas de miracle : si les entreprises contribuent moins, la charge se déplace vers les personnes physiques.
Vous l’aurez compris, ce projet n’a rien d’un compromis à la vaudoise, mais reflète le self-service de différents lobbys qui se sont longtemps combattus avant de s’associer à la dernière minute pour le siphonage des caisses publiques. Au cours des délibérations, le groupe socialiste a plusieurs fois proposée au PDC et au PLR des solutions de compromis permettant de limiter les dégâts budgétaires à 500 millions par ans au niveau fédéral. Nos propositions ont été refusés sans discussion.
Pourtant, l’exemple de la RIE III vaudoise montre qu’il aurait été possible de nouer un compromis équilibré. Et que si la solution est équilibrée, le PS n’hésite pas à soutenir la réforme, comme il l’a fait dans le canton de Vaud.
Ce référendum n’est pas un référendum contre les cantons. C’est au contraire un référendum pour les cantons, les villes et les communes, pour préserver leurs recettes et le service public qui en dépend.
A cet égard, on rappellera que les villes et les grandes communes seront le plus fortement touchées par la réforme, parce qu’elles concentrent l’activité économique. L’érosion de l’impôts sur le bénéfice les frappera de plein fouet.
S’opposer à la RIE III fédérale dans la version adoptée par les chambres signifie défendre le service public et l’équité fiscale auxquelles les Suissesses et les Suisses sont attachées. Cela montre que notre politique d’opposition est en réalité très modérée et raisonnable, parce qu’elle combat un projet extrémiste
Il faut terrasser cette politique fiscale injuste et irresponsable, en lançant puis en gagnant le référendum.
Il est hautement symbolique que nous tenons notre assemblée des délégués dans une banque cantonale en mains publiques et au service de l’intérêt général. Précisément parce que cette philosophie représente l’inverse de la mentalité de self-service qui a guidé la majorité du Parlement avec la RIE III.