L’invité Roger Nordmann, le nouveau président du groupe socialiste du National, pose les enjeux d’une législature qui s’annonce aussi capitale que définitive.
La nouvelle législature s’annonce difficile pour la Suisse. Les nationalistes sortent renforcés des élections. Les forces de progrès se sont affaiblies. Les deux Chambres sont dominées par des courants opposés. La société est fortement divisée sur le destin de la Confédération. Dans ce contexte, le risque de blocages politiques est élevé. De plus, comme souvent, le pays pourrait croire qu’il est urgent d’attendre. Or, dans plusieurs grands domaines, les marges de manœuvre de la Suisse ont drastiquement diminué. Les relations avec l’Union européenne, la stratégie énergétique, la réforme des retraites, la fiscalité, autant de problèmes majeurs qui appellent des décisions.
Pour le Parti socialiste, ces tensions génèrent une double exigence. D’une part, il devra rester ferme et ne pas brader ses convictions; plus que jamais, les grands équilibres fédéraux ont besoin d’une gauche offensive. D’autre part, il est tenu par l’obligation de résultat qui constitue sa «marque de fabrique»; à juste titre, les citoyens attendent que leurs élus élaborent des solutions et ne se contentent pas d’une gesticulation idéologique sans effet. Indispensable à la réalisation de cette double finalité, la construction d’alliances sera complexe. Au parlement, il ne suffira plus au PS de se tourner vers un centre désormais affaibli pour connaître le succès. D’autres stratégies devront être explorées.
Simultanément, la croissance de l’UDC a propulsé le PLR en position de pivot. Ce gain d’influence ne lui simplifiera nullement la tâche, mais lui conférera au contraire des responsabilités accrues. Voudra-t-il, par un vote compact, priver la Suisse de stratégie énergétique? Choisira-t-il, sans scrupule, de torpiller la consolidation de l’AVS? Suivra-t-il, mécaniquement, l’UDC ou osera-t-il enfin s’en affranchir? En tout cas, si le PLR souhaite réellement sauver les accords bilatéraux, à l’instar du PS, alors il devra combattre le discours europhobe véhiculé depuis 20 ans par l’UDC. En effet, le sauvetage des bilatérales se décidera en votation populaire. Sans des explications courageuses sur la nécessité de notre ancrage à l’Europe, les chances de succès sont très minces.
Sans aucun doute, la législature qui s’ouvre additionnera les négociations ardues, les combats au coude à coude et les majorités étroites. Mais elle fera aussi tomber les masques! Révélateurs, les grands dossiers diront qui garde vraiment l’intérêt général devant les yeux. Si la droite, emportée par son élan, choisit de faire bloc pour déconstruire les grands équilibres du pays, alors les référendums se multiplieront. Les affrontements se joueront sur le terrain et quatre années seront perdues. A l’évidence, la législature s’annonce à haut risque. Elle demandera de la souplesse tactique aux partis. Mais elle en appellera bien davantage encore à leur sens des responsabilités. Conscient des dangers qu’encourt la Suisse, le groupe PS saura prendre les siennes.