Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA): une avancée sur les deux plans

(paru dans Le peuple Valaisan)

Au terme de trois heures de débats, l’Assemblée des délégué-es du parti socialiste suisse du 29 septembre 2018 a décidé par 148 oui contre 68 non et 5 abstentions de soutenir le paquet liant réforme de la fiscalité des entreprises et financement de l’AVS (RFFA). Et donc évidemment de ne pas récolter de signatures pour le référendum lancé par l’extrême gauche et les jeunes UDC.

Même s’il est loin d’être parfait, le volet fiscal constitue clairement un progrès. Le paquet supprime en effet les fameux statuts spéciaux, qui constituaient probablement le plus gros instrument de prédation fiscale à l’échelle mondiale. En plus, le paquet corrige une partie des astuces introduites en douce par la deuxième réforme de l’imposition des entreprises de 2006. On rappellera que le Tribunal fédéral avait reproché après coup au Conseil fédéral d’avoir menti à la population.  Enfin, le paquet augmente l’imposition des dividendes au niveau fédéral et fixe un plancher au niveau cantonal. Par comparaison, les deux astuces introduites par le paquet – les « Patent box » restreintes et la déduction pour frais de recherche – sont d’une ampleur bien moindre que les instruments supprimés. Grâce à notre référendum contre la RIE III, nous avons pu obtenir une loi fédérale présentable, qui constitue une avancée sur le plan de la justice fiscale.

Les délégué-es ont constaté que les pertes excessives pour le service public ne sont plus le fait de la loi fédérale, mais proviennent de la fixation trop basse de l’imposition cantonale des entreprises ou des dividendes. C’est donc logiquement au niveau cantonal que la bataille se déplace, pour assurer un niveau d’imposition suffisant et un équilibre global des mesures proposées.

Aussi indispensable qu’elle soit sur le plan de la solidarité internationale, la réduction drastique des pratiques du dumping fiscal de la Suisse ne peut pas être indolore. En effet, une partie de la substance fiscale braconnée retourne à l’étranger, et il est impossible d’espérer maintenir inchangé le rendement de l’imposition des entreprises. C’est cette réflexion qui a poussé à inclure le financement de l’AVS dans le projet. Pour assurer l’équité entre les différents groupes de populations, il s’agit de renforcer l’AVS pour compenser l’effet injuste des pertes de recettes sur les entreprises. Agir sur le financement de l’AVS s’est naturellement imposé, car c’est le plus puissant dispositif de redistribution des revenus en Suisse.

Le volet financement de l’AVS repousse d’environ huit ans l’arrivée des déficits dus au vieillissement démographique, et en particulier à l’arrivée à la retraite des baby-boomers. Le renforcement de 2 milliards par année du financement de l’AVS nous permettra de combattre plus confortablement les baisses de prestation que proposent les bourgeois, à commencer par l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, puis le passage généralisé à 67 ans.

Globalement, les délégué-es ont donc estimé que le paquet était équilibré et qu’il représentait un progrès modéré en matière de justice fiscale, et une avancée très importante en matière d’AVS. Enfin, plusieurs d’entre eux ont souligné qu’en cas de rejet de RFFA, la Suisse resterait avec ces deux problèmes sur les bras – une fiscalité des entreprises non conforme et un déficit de l’AVS -, et que les perspectives d’obtenir une solution meilleure sont pour ainsi dire nulles.