Lorsqu’en janvier 2017, l’ Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) a lancé l’initiative sur les soins infirmiers, personne imaginait un instant qu’au moment du vote populaire, nous serions en pleine pandémie. Nota bene la pire pandémie depuis la grippe dite « espagnole » de 1918.
Ce qui était encore moins prévisible, c’est que le 28 novembre, nous voterons également sur la base légale du certificat Covid, attaqué par un référendum abrogatoire.
Et finalement, le plus surprenant, c’est qu’en réalité, ces deux objets soumis au peuple le 28 novembre portent sur la même question : quelle considération portons-nous, comme pays, comme société, comme personnes, à celles et ceux, soignantes et soignants, qui font tourner les hôpitaux et les EMS.
Depuis le début de la pandémie, le personnel des hôpitaux accomplit des prouesses : d’abord en faisant face à une première vague totalement imprévisible et incompréhensible, puis en tenant le choc lors de la très longue deuxième vague qui a duré d’octobre à avril, et enfin maintenant, au fil d’un été de plus en plus difficile.
Quelles leçons en tirer ?
Premièrement, nous n’avons pas assez de personnel soignant, et il en va de même dans beaucoup de pays. En situation de crise, il n’est pas possible de recruter à l’étranger, et ce ne serait d’ailleurs pas correct de le faire en masse.
Deuxièmement, le personnel soignant est capable d’un engagement complètement surhumain pendant des mois et des mois. Mais il y a des limites à l’exploitation et à l’épuisement. Aujourd’hui, le burnout fait des ravages, et la disponibilité à venir travailler non aux soins intensifs pour s’occuper des patients covid atteint des limites. Le nombre de places disponibles en soins intensifs n’est pas un problème d’infrastructure, mais bel et bien un problème de personnel soignant disponible. Le problème s’aggrave : plus l’absentéisme est aigu, plus les conditions de travail se dégradent pour ceux qui demeurent fidèles au poste
Troisièmement, dans des métiers hautement qualifiés comme les soins infirmiers, il n’est pas possible d’acquérir des compétences en quelques mois. Il faut planifier des années à l’avance la formation et les places de stage.
Quatrièmement, on ne peut pas demander à une profession d’être disponible, hautement qualifié et courageuse, sans la rémunérer correctement.
Cinquièmement, nous avons toutes et tous une responsabilité personnelle pour éviter de surcharger les hôpitaux. Chaque personne qui se vaccine contre le covid diminue le risque de finir elle-même aux soins intensifs, et diminue le risque que d’autres personnes, contaminées, ne fassent de même.
L’attitude consistant à dire « ce n’est pas grave de n’être pas vacciné ou de contaminer autrui, car nous avons d’excellents soins intensifs en Suisse, au pire, c’est sûr qu’on me sauvera » est une insulte au personnel soignant. À ce même personnel soignant qui, depuis une année et demie, exerce son métier dans des conditions de plus en plus difficiles.
La vaccination sur une base volontaire et le pass Covid constituent un moyen efficace et proportionné de limiter les contaminations, et donc de protéger le système de santé. Ce sont aussi les seuls moyens de protéger les plus vulnérables, par exemple dans les établissements pour personnes âgées. Le pass covid permet de limiter les contaminations tout en maintenant une vie sociale à peu près normale. C’est infiniment préférable aux mesures drastiques qu’il a fallu prendre au printemps 2020, et au cœur de l’hiver 2020/2021.
Nous ne sommes pas encore sortis la pandémie, mais la disponibilité du vaccin, et prochainement aussi d’un vaccin à conventionnel à vecteur, montre clairement un chemin de sortie. Le vaccin ne fera pas disparaître complètement ce maudit virus, mais il ne permettra de vivre à peu près normalement de ne plus subir de surcharge du système de santé.
En réalité, ces prochains mois, nous avons trois campagnes de votation.
Deux d’entre elles ont lieu dans les urnes :
- la première pour les soins infirmiers, et nous nous nous engageons pour le OUI
- La deuxième sur la loi Covid, pour limiter les conséquences négatives de l’épidémie sur la santé, l’économie et la société. Ici aussi, nous engagement pour le oui, tout en espérant pouvoir nous passer des mesures.
Mais dans l’intervalle, il y a une troisième votation, peut-être la plus importante, qui a lieu dans les centres de vaccination : en allant toutes et tous nous faire vacciner, nous votons contre le virus.