En 2010, le peuple suisse a accepté l’initiative populaire pour le renvoi des criminels étrangers, qui exigeait l’expulsion des personnes condamnées pour meurtre, viol et quelques autres délits graves. Après la votation, le Conseil fédéral et les Chambres se sont mis au travail pour concrétiser cette décision dans le Code pénal. En mars 2015, le parlement a définitivement adopté les détails.
Cette modification légale est prête à entrer en vigueur, avec un catalogue de crimes et délits relativement larges: le parlement a inclus par exemple l’escroquerie, la fraude fiscale ou encore l’emploi d’explosifs ou de gaz toxiques avec dessein délictueux. Et comme le demandait l’initiative, il a également inclus la fraude à l’aide sociale.
Le Code pénal révisé prévoit que le juge puisse «exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse. A cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l’étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse». Il est indispensable que le juge puisse apprécier la situation, pour éviter de prendre des décisions contre-productives ou insupportables dans certains cas particuliers. D’ailleurs, le principe de proportionnalité, fondement de la justice, est garanti par l’article 5 de la Constitution.
Déchaînée, l’UDC a lancé une deuxième initiative sur la question, sans même attendre de savoir comment le parlement mettrait en œuvre la première. Cette nouvelle proposition est d’une brutalité inouïe.
Premièrement, elle prévoit d’étendre les critères d’expulsion à une foule de délits secondaires si la personne concernée a été condamnée dans les 10 années qui précèdent, même à une peine pécuniaire. Ainsi, un anglais né en Suisse et sanctionné pour circulation en état d’ivresse sans accident il y a 8 ans devrait être automatiquement expulsé s’il est, par exemple, condamné pour menace à un fonctionnaire après s’être énervé à un guichet. Et cela même s’il est marié à une Suissesse avec des enfants scolarisés ici.
Deuxièmement, la seconde initiative interdit aux juges de tenir compte des circonstances. Elle est si extrême que plusieurs UDC tentent de la réinterpréter, en disant que les étrangers nés en Suisse ne seraient pas concernés. Hélas, c’est pourtant ce que prévoit précisément le texte de l’initiative.
En fait, nous votons le 28 février sur une démarche qui relève de la xénophobie obsessionnelle. De plus, en torpillant le principe de proportionnalité et en supprimant l’examen des circonstances, l’initiative ne s’en prend pas qu’aux étrangers: elle met aussi hors-jeu la justice! Seul un non peut répondre à de telles atteintes aux bases mêmes de la démocratie suisse